MANCHETTE BOOBS
Les Points sur les Boobs
Médiation complète
Remontons quelque temps en arrière, lors de l’époque des communautés Shakers, qui ont débutées dès 1750 à Manchester et qui referont parler d’elles dans les années 1990 dans la presse spécialisée dans la décoration. Également souvent évoquées quant aux origines du design, les Shakers proposaient au travers de leur vaste production, des pièces résolument minimalistes en accord direct avec leur philosophie de vie. Si l’on y voit aujourd’hui une dimension minimaliste, il faut envisager leur sobriété par le prisme religieux, par une question de moyens, matériel. Enfin, il faudra considérer que leur style de vie avait un impact important sur le besoin de praticité de leur production.
Ainsi cette première incursion dans le passé de l’artisanat et du design nous offre un premier aperçu des disciplines, notamment de leurs liens étroits.
Quelque temps plus tard (1860) c’est le mouvement de John Ruskin et William Morris, Arts&Craft qui signera une réaction vive de l’artisanat face au développement de l’industrie. Les objectifs affichés sont multiples : réhabiliter le travail de la main, perpétuer les savoir-faire et réconcilier beaux-arts et Arts-appliqués. Les nombreuses autres caractéristiques du mouvement, auront favorisé le développement de la pensée en design.
Par la suite, c’est à Weimar que le Bauhaus, qui enseignait largement les métiers d’art, fera le choix de se servir de ceux-ci comme moyen de concevoir la reproductibilité et ainsi s’inscrire dans leur idéal de production accessible à tous et disposant d’une valeur « artistique ». Contribuant là encore à concevoir le design tel que nous le connaissons.
En parallèle (1925) au Japon, se développe le mouvement Mingei, en réaction au développement fulgurant du pays. Ici, l’objectif est de préserver l’artisanat, prônant la beauté des choses simples.
Sōetsu Yanagi, dans l'idée du Mingei (1933), nous ouvre à la compréhension du mouvement.
« Il doit être modeste mais non de pacotille, bon marché mais non fragile. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets Mingei doivent au plus haut point éviter : ce qui est naturel, sincère, sûr, simple, telles sont les caractéristiques du Mingei. »
Aujourd’hui nous pourrions, pour mieux comprendre les enjeux qui sont les siens, séquencer l’artisanat selon de nombreuses visions, catégories ou pratiques (Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive, et nombre d’autres cas existent).
D’une part, celles des artisans perpétuant leur savoir-faire, c’est le cas par exemple de l’entreprise Kaikado qui produit ses chazutsu (boîtes à thé hermétiques) depuis 1875. La beauté de ses créations réside dans leur évolution au contact de leur propriétaire, selon le métal choisi, la boîte pourra prendre jusqu’à 40 ans pour atteindre, par oxydation, sa couleur finale. C’est à l’image de leur savoir-faire un objet à transmettre.
« Les petits-enfants de vos petits-enfants pourront rapporter leur « chazutsu » aux artisans s'ils ont besoin d’entretien. »
D’autre part, on peut distinguer les productions d’artisans qui développent leur pratique à partir des nouvelles technologies ayant émergé par le biais de l’industrie. Par exemple dans le projet Osmos, du designer Felipe Ribon et du maître orfèvre Nicolas Marischael. Ce mystérieux objet est un diffuseur de parfum à la forme d’olonde qui grâce à un mouvement de rotation induit par sa forme permet d’activer des billes olfactives (produit/technologie déjà développé).
Osmos pour son interaction entre design, métiers, d’art, industrie et sciences a été récompensé par le prix de la Fondation Bettencourt Schueller, Pour L'intelligence de la Main.
Celles des designers qui se tournent vers l’artisanat dans le cadre d’un projet ou d’une pratique globale. On retrouve des exemples de pièces répondant ainsi à de nouveaux enjeux, à l’image de « Hair Highway » du Studio Swine, qui propose une alternative renouvelable face à la disparition de ressources tels que les bois tropicaux ou l’écaille de tortue.
Nous pourrions aussi évoquer celles des artisans à l’image de Lison de Caunes, qui a permis, il faut aussi le mentionner, de réintroduire la marqueterie de paille dans notre monde contemporain et qui aujourd’hui mène des projets en étroite collaboration avec des designers ou avec le domaine industriel, à l’image de sa collaboration avec Citroën.
Déjà, il semble que le terme designer-artisan, ne puisse être, sur ces quelques bases, considéré comme un oxymore.
Parmi tous ceux qui ont permis de libérer les consciences sur la discipline du design et ses possibilités, il parait important d’envisager l’impact d’Andrea Branzi.
Ce dernier a permis de suggérer de nombreuses voies pour sa discipline qui ne serait pas obligatoirement assujettie au monde industriel et à la rationalité.
Dans sa production au sein du Studio Alchimia, fondé en 1976 par Alessando Guerriero. Il s’engage pour un « nouvel artisanat » et artisanat d’art qu’il perçoit comme « un gigantesque lieu d’expérimentation ». La démarche ainsi développée pourrait répondre au besoin de singularité face à l’uniformisation de la proposition industrielle.
En somme, nous n’envisageons pas l’artisanat comme une discipline figée, mais comme une multitude de propositions. L’artisanat a évolué depuis des milliers d’années, variant de forme et de définition selon les époques et les localités où il prenait place. Aussi, il paraît évident qu’il va continuer à muter, tout comme le design et l’industrie pour rester en synergie avec leur temps. Ainsi si l’Art&Craft était une réaction inhérente à la révolution industrielle, il semble que notre temps sera inévitablement marqué par la révolution numérique et par les enjeux environnementaux amenant avec eux de nouvelles contraintes, de nouveaux enjeux mais aussi de nouvelles voies.
C’est ce que laisse à penser l’émergence de courants tels que le Slow design, théorisé par Alastair Fuad-Luke, suggérant de s’inscrire dans la production en série limitée à partir de process vertueux. Bien sûr, de nombreux autres possibles sont à citer quant à l’actuelle position du Slow design, mais ce n’est pas le sujet de cette médiation.
Reste de nombreuses questions à poser tant du point de vue de la recherche que de la transmission.
Qu’est-ce que l’artisanat ? Quelles sont ses limites ? À quoi correspond aujourd’hui l’artisanat ? Et demain ? Peut-il occuper une plus grande place dans le futur ou au contraire se raréfier ? À quel besoin social, économique, écologique, politique, ou historique répond-il?
À vous/nous d’observer et de creuser le sujet…
Présentation complète du projet
La manchette de Boobs à été entièrement ciselée et repoussée dans une fine tôle de laiton. Chaque forme de sein a été mise en volume une par une et texturée à l’aide d’outils mats. C’est une ode à la variété des corps, à la liberté d’exposer
sa poitrine, ses tétons librement et en dehors de tout tabou. Les afficher en gros et en petits sur un bijoux de caractère, qui a et qui donne de l’allure, est une façon d’interroger les regards : sauront-ils s’amuser de ce bijou ? Le toucher, l’essayer, l’exposer, l’adopter... tout (ou presque) est permis.
Se faire remarquer pour casser les stéréotypes, faire parler de sujets importants tout en pouvant en rire également, telle est la philosophie de cette manchette et de Les Points sur les Boobs.
Biographie
Tous deux diplomé.e.s de l’école Boulle et de l’ENSCI-Les ateliers, nous avons fondé le studio poirier bailay en 2018, au sein duquel nous travaillons sur des projets à la croisée du design produit et textile. Nous avons démarré notre collaboration à l’occasion de la Résidence Fabbrica Design #4, dont nous avons été lauréats en 2017. Pendant cette résidence, nous avons travaillé la laine de brebis Corse en partant de sa forme la plus brute, c’est-à-dire la laine obtenue après la tonte des brebis. Ce projet nous a permis de poser les jalons de notre pratique commune et de notre univers singulier.
À travers nos projets, nous tâchons d’interroger le statut des objets domestiques, les modes d’habiter et les moyens de production actuels. Nous imaginons des objets et des espaces qui engendrent d’autres manières de vivre et d’évoluer dans nos intérieurs, mais également des univers esthétiques en marge de l’uniformisation grandissante de nos habitats. Cette réflexion et nos projets autour de l’espace domestique nous ont valu d’être finalistes des Audi Talents 2020 et de la Design Parade Toulon 2019. Nous accordons ainsi une place importante à l’exploration formelle libre, une manière pour nous de brouiller les frontières entre différentes pratiques (design, sculpture, artisanat, illustration…) et de creuser des registres qui nous tiennent à cœur tels que la poésie du quotidien, l’étrangeté et la bascule vers la fiction.
Pour donner du sens à la technique de la ciselure, il faut savoir que ce savoir-faire aujourd'hui vieux de 4500 ans est depuis toujours une ode à la précision et à la finesse. Contrairement à la gravure, aucun retrait de matière n'est fait, les formes, détails et textures sont réalisés par une "impression" sur la matière, rendus tangibles par le travail aux marteaux et ciselets. Les gestes du ciseleur sont ainsi le témoin d'une maîtrise ancestrale exécutée sur une matière appelée "ciment de ciseleur" qui pourrait ressembler à de la cire rouge à cacheter. (voir photo)
Il y a de nombreuses techniques spécifiques au travail de ciseleur mais retenez qu'ici Nina exploite celles du repoussé, c'est à dire la déformation d’une tôle fine de métal pour la mettre en volume et celle du tracé matis qui est spécifique au travail sur des plaques de métal plates, permettant de créer les textures de peau.
A chaque boob vendu, 20% est reversé à l’association Etincelle qui aide les personnes atteintes d’un cancer (du sein ou autre) à améliorer leur qualité de vie au quotidien.
Élément complémentaire
.