LES ESTAMPILLÉS
EKHI BUSQUET
Médiation complète
Charlotte Perriand aimait à répéter que « l’important ce n’est pas l’objet mais l’homme » et contrairement à certaines idées reçues, la dimension sociale du design est loin de représenter une nouveauté de notre temps.
Pour revenir plus de 150 ans en arrière, William Morris suggérait déjà que l’ouvrier devrait maitriser ses outils pour sa santé mentale physique et morale. Car c’est de cette maîtrise que découle la joie et le bonheur de travailler.
Selon Alexendra Midal, le design, bien que largement utilisé par l’économie capitaliste, propose perpétuellement des prises de conscience, contestations et critiques. Par exemple Victor Papanek dans son célèbre livre Design for the Real World » (1971) « Le designer n'est alors logiquement rien de plus (et rien de moins) qu'un outil mis entre les mains du peuple. ». Dans son livre comme dans ses autres travaux, il théorise un design œuvrant pour l'inclusion, pour un design responsable et durable ainsi que pour une justice sociale. Cette vision s’inscrit dans une critique du consumérisme remontant aux années 60 et qui reste fortement ancré dans les enjeux d’aujourd’hui.
Ezio Manzini propose depuis plusieurs décennie d’inscrire notre démarche dans une « écologie du milieu » qui englobe dans les questions environnementales celles liées au social.
« Il faut faire en sorte désormais que la notion de design et la profession de designer ne soient plus associées à une spécialité, mais à un certain esprit d’ingéniosité et d’inventivité, globalement valable, permettant de considérer des projets non plus isolément mais en relation avec les besoins de l’individu et de la communauté. Aucun sujet, quel qu’il soit, ne saurait être soustrait à la complexité de la vie et traité de manière autonome. » Laszlo Moholy-Nagy
Cette dimension sociale du design est à présent presque aussi importante que celle environnementale. Et pour preuve l’artiste contemporain incontournable en terme d’écologie; Olafur Eliasson, a proposé pour la Biennale de Venise de 2017, des ateliers « Green Light », qui proposait aux locaux et aux personnes immigrés ayant fuit leurs pays, d’œuvrer ensemble à la conception de luminaires pour aider des associations travaillant avec des réfugiés.
« Je crois que le temps est proche où chacun d'entre nous membres des classes aisées aura à choisir entre lutter pour défendre l'égalité et l'amitié avec la grande masse des hommes, ou maintenir ceux-ci dans leur statut d'esclaves.
Quand ce temps sera venu, souvenons nous qu'aussi misérable et honteuse que soit la condition d'esclave, il est une condition plus misérable et plus honteuse encore : celle de propriétaire d’esclave. »
William Morris, Des origines des arts décoratifs, conférence prononcée en 1886
Plus récemment, le design social se distingue pour son action directe sur de multiples enjeux de société. Il implique un changement majeur des pratiques de design pour répondre
À des crises multiples: sociale, écologique et économique. Ces dernières étant intimement liées.
Ainsi des projets aux multiples facettes voient le jour, design participatif, design de service, design d’environnement…
Ainsi le design se voit plus régulièrement investi d’une portée sociale et politique, à l’image du projet Stop Hunger Crime du Studio 5.5 commandité par l’association Action contre la Faim. L’avenir du design promet donc, à travers ces enjeux, de multiples et passionnantes évolutions.
Présentation complète du projet
Les Estampillés c’est une collection exclusivement confiée à des collaborateurs en insertion professionnelle accueillis au sein d’ESAT. Reconnue d’intérêt général par l’Etat, cette série fait vivre un cahier des charges à finalité humaine.
Solliciter des ESAT ce n’est pas neuf ! C’est même un enjeu légal pour les entreprises de 20 salariés ou plus, qui doivent s’acquitter de leur obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Mais dans les usages, cela revient trop souvent à convoquer ces ateliers pour exécuter des petits gestes répétitifs.
En les cantonnant à des tâches molles dont le milieu dit “ordinaire” ne veut pas, on s’éloigne du dessein de ce projet, qui visait l’inclusion de personnes en situation de handicap. Comme pour beaucoup de grandes questions sociales, c’est “déjà bien que ça existe”…
Mais avec Les Estampillés, nous avons envie d’aller plus loin et avons mis sur pied une méthode de conception articulée autour de 5 engagements :
1 : DES EDITIONS COURTES. Réduire les volumes, c'est limiter un travail à la chaîne peu épanouissant et valoriser un "fait main" français de qualité.
2 : PAS DE GESTES REPETITIFS ALIENANTS. Pour y parvenir, je dessine notamment beaucoup de formes asymétriques et je veille à imaginer plusieurs finitions pour un même objet.
3 : PAS D’OUTILLAGE COMPLEXE : Ca permet d'apprendre vite et c'est valorisant pour nos collaborateurs pour qui les défis sont déjà nombreux. Ici l'enjeu c'est avant tout d'aboutir, pas de défier Mac Gyver :)
4 : DES DELAIS DE PRODUCTIONS LONGS . Mais pas plus longs finalement que lorsque l'on commande au bout du monde. Vous ne vous en rendrez même pas compte !
5 : UNE PRODUCTION DE A à Z. Stop aux petites tâches morcelées sans vision globale d'un projet. La responsabilité de toute la production est confiée au même atelier. Fierté assurée !
Biographie
Après 6 ans d'études à l'Ecole Boulle (Paris), puis à l'Ecole Polytechnique (Milan), Ekhi obtient en 2010 son diplôme de designer mobilier avec les félicitations du jury pour son master « Design pour un Dessein » dont Emmaüs Défi est commanditaire.
Son diplôme tout juste en poche, elle est recrutée par le groupe L'Oréal puis par la Maison Dior Parfums, où elle y dirige le département scénographie. Le studio de création, situé au siège parisien de la Maison est en report direct avec le comité de direction. Avec son équipe, Ekhi y dessine les futurs concepts créatifs du parc international de la marque à travers le monde.
Habitée par un design qui ne se limite pas au traditionnel « forme-fonction », Ekhi est sélectionnée en 2017 pour rejoindre l’incubateur de la Chaire d’entrepreneuriat social de L’ESSEC. Pendant un an, elle dessine les contours de sa première collection capsule « Les Estampillés », des objets fabriqués en France et en série limitée par des ateliers d’insertion professionnelle (Esat). La même année, la collection est reconnue d’intérêt général par l’Etat et remporte le 1er prix de la Fondation The House of the Rising star.
Forte de ce parcours singulier, Ekhi fonde son propre studio de design global. Elle y développe des collaborations variées - Guerlain, Dolce & Gabbana, La Roche Posay, Lancôme, Vichy, Hennessy - et met son savoir-faire au service d’imaginaires multiples : store design, packaging, direction artistique de marque, cahier d'idées, etc.
Désireuse d’ancrer sa pratique de designer à la réalité des enjeux sociétaux, Ekhi intervient depuis 4 ans au sein du parcours E-Fabrik’, programme étatique labellisé par la Grande Ecole du Numérique. Elle y dispense, une méthodologie créative de valorisation des compétences pour jeunes adultes en insertion professionnelle (Seine-Saint-Denis).
La designer travaille également sur des projets d’éditions qui lui valent de rejoindre en 2019, le Talent Lab de Made.com. Sa trieuse « Horizon », fait désormais partie du catalogue de l’éditeur. Elle multiplie depuis des collaborations avec des grandes marques comme pour des projets locaux qui lui ressemblent.
Élément complémentaire
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