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ITININAIRAIRE D'UN ARTEFACT VIVANT

Arthur-Donald Bouillé
Médiation complète

L’irruption de plus en plus prématurée du designer dans le processus de conception ne le cantonne plus aux logiques de coques que le métier a connu à ses débuts. Le design n’intervient plus seulement à la fin mais aussi au moment même de la définition du produit, où il côtoie les métiers du marketing et de l’ingénierie pour son égale capacité à innover. Alors qu’on les opposerait volontiers, il convient en fait de voir que l’ingénierie est à la science ce que le design est à l’art, la forme appliquée d’une discipline abstraite à des problèmes du quotidien. Ainsi les objets qui peuplent notre quotidien sont le fruit d’une cohabitation plus ou moins réussie entre arts appliqués et sciences appliquées pour résoudre un problème différemment. C’est pourquoi on observe de plus en plus d’écoles d’ingénieurs former leurs étudiants au design mais en le présentant comme une méthode d’innovation et non comme une histoire de l’art d’objets manufacturés. Ainsi ces formations passent-elles certainement à côté de ce qui fait la force du design au moment d’innover, à savoir, non pas sa capacité à inventer de nouvelles solutions techniques mais à assembler autrement des solutions existantes. 

 

Mais au delà même de sa cohabitation avec des sciences et leurs formes appliquées, le design ne pourrait-il pas lui aussi devenir une discipline scientifique ? 

Il est vrai que le design essaie depuis quelques années de se faire une place en tant que discipline dans l’enseignement et dans la recherche, tout particulièrement parmi les sciences humaines. Bien que faire du design une discipline scientifique à part entière semble être un exercice difficile, il est plus simple pour lui de se rapprocher des sciences qui mènent déjà des observations empiriques et qualitatives. Ce sont là les méthodes que le design partage avec la sociologie et l’anthropologie qui ont pour objet d’étude les pratiques quotidiennes les plus banales. 

 

Moins évident mais tout aussi important, le design est aujourd’hui un moyen pour les sciences dures de rendre plus accessible leurs connaissances. Habitué à côtoyer des métiers et des champs éloignés du sien, un designer dans l’évènementiel ou la médiation est particulièrement bien équipé pour devenir un passeur de connaissances (Pour preuve la vidéo "Power of t'en" réalisé par les Eames est, encore aujourd'hui largement utilisé dans l'enseignement.).  La vulgarisation scientifique regroupe de fait des enjeux de design : expositions, sélection des informations, création d’un vocabulaire graphique et formel, capacité de synthèse ou à se mettre dans la peau d’un visiteur. Toutes ces qualités sont autant de choses qu’une science doit convoquer ailleurs si elle souhaite jeter un pont entre elle et le tout venant. 

Présentation complète du projet

Mémento Vivo(s) 

Abrités dans un micro-monde qui dialogue par delà le silence des cavités escarpées et des interstices corporelles, les microbes habitent et façonnent les vivants. Ils co-construisent et déploient l’enveloppe humaine, architecture vivante qui accueille les allers et venues de centaines de milliards de bactéries, champignons et virus qui s’entremêlent, s’activent à tisser une identité plurielle, partagée. Mémento Vivo(s) est un travail de recherche sur les manières de médier la relation aux morts en interrogeant la limite de cette identité commune, située à la confluence du visible et de l’imperceptible, de l’intérieur et du dehors, de l’humain ou du presque-humain. Il est le second volet d’une recherche intitulée Expérience de panser, série d’objets transitionnels pour accompagner les maladies du cancer, développée à partir d’une exploration spéculative portée sur la frontière du vivant. Un seuil dont la perception varie selon les pratiques technologiques ou culturelles, de l’édition génétique à la vision élargie des populations animistes et des relations qu’elles tissent, cultivent avec les milieux.

 

Au travers d’une recherche par l’écriture de micro-fictions intitulée Ontologie partagée, les micro-organismes intégrés au sein des artefacts constituent la matière vivante et stimulante pour faire basculer les objets inanimés du côté des formes métamorphiques. Formes semi-vivantes et bio-objets deviennent des supports de médiation et de communication inter-espèces, des objets de dialogue avec les invisibles, les disparus.

 

Mémento Vivo(s) célèbre une individu-altérité qui se tisse et se remodèle sans cesse avec le milieu, le corps et les micro-organismes qui l’habitent. Eux qui nous façonnent, nous traversent temporairement ou s'ajoutent à la toile de bactéries qui compose l’empreinte microbienne de chaque individu. Présence moléculaire volatile, la trace odoriférante émise par les microbiotes constitue un vocabulaire olfactif que cette recherche propose de considérer comme la mise en présence d’un être disparu, une manière de cultiver la relation entre les vivants et les morts. Une pratique que le réceptacle en terre cuite émaillée propose d’incarner en conservant une signature olfactive éphémère du défunt. Cette mise en présence de l’humain sous une forme liminale consiste en un premier recueillement au cours duquel un échantillon bactérien est prélevé sur les lèvres de l’être cher. Il représente ce dernier souffle, porteur d’un message olfactif identitaire évanescent que l’objet transitionnel permet de conserver momentanément en mémoire et de découvrir pour ré-activer telle une réminiscence, un souvenir de la personne disparue. 

 

La technique de cuisson de la terre cuite du Raku incarne la figure fragmentée et fragile, unique et partagée de l’identité humaine. Elle témoigne des irrégularités, des différences et de l’histoire commune qui recouvre chacun des corps humains dans lesquels s’entremêlent des formes de vie plurielles et en constante co-évolution.

Holobionte(s)

La série Holobionte(s) constitue un travail de recherche amorcé au cours du projet Expérience de panser. Il fait référence à l’entremêlement, à la cohabitation d’un ensemble de micro-organismes à l’intérieur d’un corps en devenir. Le terme scientifique renvoie à ce que les biologistes désignent sous le nom de supra-organisme, un être vivant composé lui-même d’une myriade d’unités vivantes (microbes, champignons, virus, etc.) dont la coexistence détermine un état de vie, une identité singulière et plurielle.

Itinéraire d'un artefact vivant

La série Itinéraire d’un artefact vivant présente une narration par l’image et séquencée en trois volets des mouvements évolutifs d’un objet semi-vivant. Elle constitue l’ébauche d’un vocabulaire formel développé dans le cadre d’un projet en cours, le Futur olfactif.

Arrangement d'une Sympoïèse

Arrangement d’une Sympoïèse (qui signifie « construire-avec », « fabriquer-avec ») déploie une recherche formelle articulée autour de l’opposition entre le naturel et l’artificiel, le vivant et l’inerte. La série de dessins formule un bestiaire d’objets semi- vivants, des assemblages aux identités plurielles, instantanés de matières figées dans un état liminal entre le vivant et l’inerte. Bio-objets ou artefacts vivants dessinent une recherche pour spéculer sur des dispositifs de médiation avec et entre les milieux

Biographie 

Arthur-Donald Bouillé est designer, diplômé de l’ENSAV-La Cambre à Bruxelles et de l’Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI-Les Ateliers) à Paris. Ses expériences de création transdisciplinaires à l’instar de la compétition de biologie de synthèse du MIT de Boston (iGEM) ou au sein de l’agence de Biomimétisme Big Bang Projec,t ont façonné une approche de la recherche et de la création qui explore et questionne notre relation au Vivant. 

L’écriture de fictions constitue dans son travail une approche exploratoire qui interroge le seuil, la limite entre l’humain et le non-humain, la frontière entre le vivant et ce qui ne pourrait l’être qu’au travers d’une autre manière d’envisager la perception de l’environnement. C’est dans cette dernière composante de la vision que les objets du designer acquièrent une ambition de médiation visant à proposer de nouvelles manières de prendre soin des ‘milieux’ (corps humains, territoires, villes, etc.) en prenant compte des espaces de frictions et des vulnérabilités existantes ou émergentes. 

Élément complémentaire

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